La fille aux cheveux de vagues (Thérèse CABON)

Mon arrière-arrière-grand-mère, Thérèse CABON, en fait Marie-Thérèse à l’état civil, a été très célèbre dans le Cap Sizun et son histoire mérite d’être contée.

Elle est née le 16/04/1811 à Plouhinec(29) au village de Kerdréal sur la côte de la Baie d’Audierne. En fait les parents de Thérèse habitaient une petite ferme située au sud du village(voir cadastre napoléonien de 1835 ci-joint)

Sur la feuille  du cadastre de 1835 montrant le village on voit que les propriétés du couple étaient dispersées, une partie autour de la maison mais une autre éloignée. On notera qu’ils possédaient un four à pains ,le seul du village signe d’une certaine prospérité.

La maison existe toujours mais elle a vraisemblablement été fortement remaniée en 1882 date inscrite sur le linteau.

Elle vient d’être rachetée et rénovée(voir photo)

Son père Jean-Laurent était guetteur de signauxl.Il était marié à Marie Malscoet et ont eu 10 enfants(voir extrait de l’arbre) dont Jean-Pierre né le 9/02/1813,qui fut célèbre également(voir ci-dessous)et Marie-Elisabeth surnommée Isabelle ,la grand-mère de Jean COUIC qui en parle dans ses billets sur Audierne autrefois(référence biblio n°1) et grand-mère de Jeanne Bluteau.

Les CABON étaient originaire de Lanriec, village à proximité de Concarneau(ils y étaient en 1676).

Le grand-père de Thérèse ,Pierre-Marie était lieutenant- canonnier et garde d’artillerie et donc d’un bon niveau d’instruction.

En fait Thérèse CABON fait partie d’une légende familiale, comme quoi elle aurait sauvé des marins de la noyade et aurait eu la Légion d’Honneur et se serait vu récompensée par un bureau de tabacs à Primelin.;cela expliquant la présence des PERROT à Primelin.

Lorsque, avec mon frère Jean-Yves, nous avons commencé la généalogie côté PERROT ,dans les années 70, nous avons évidemment recherché des documents sur cette fameuse Légion d’Honneur.

En interrogeant la famille nous avons découvert que ce n’était qu’une médaille d’Honneur et en réalité une médaille de courage et de dévouement décernée par le Ministère de la Marine..Celle-ci était après la guerre 40 détenue par Marie KERLOCH habitant au Faubourg à Primelin  dans l’ancien bureau de tabacs familial ,puis ensuite elle est passée chez une de ses nièces ,Christiane Jurainville habitant la région parisienne.

Marie KERLOCH était la fille d’Appoline PERROT sœur de mon arrière-grand-père jean René PERROT ,lui-même fils de Thérèse CABON.

En fait grâce à ce blog Madame Liliane Grécourt ,bru de Christiane Juranville a pris connaissance de l’histoire de la fameuse médaille et l’a retrouvé au fond d’un tiroir dans un meuble de sa belle-mère!!!

Suite à cela elle m’a contacté et proposé de me faire parvenir la fameuse médaille que je viens de recevoir.

Voici les photos de la médaille:

Elle est en argent et pèse 40 grammes et a un diamètre de 41mmm.

Les gravures sur la médaille sont:

-côté face: LOUIS PHILIPPE ROI DES FRANCAIS  encadrant une tête du roi

– côté pile: sur le pourtour

MINISTERE DE LA MARINE ET DES COLONIES

Au centre une dédicace: A CABON (MARIE-THERESE)

POUR AVOIR AU PERIL DE SA VIE CONTRIBUE A SAUVER L’EQUIPAGE D’UN NAVIRE NAUFRAGE  1834

D’après les Annales maritimes( voir plus loin) la médaille est datée du 18 Janvier 1834 mais il est vraisemblable que le naufrage a eu lieu au cours de l’hiver 1833;  l’enquête continue pour retrouver le récit du naufrage.

En tout cas mon frère, ma sœur et mon cousin Jean Louarn remercient chaleureusement Madame Grécourt pour son geste généreux.

Parmi les frères et sœurs de Thérèse CABON ,sa sœur Isabelle déjà citée ,née en 1823 à Pont-Croix s’est mariée en 1847 à Plouhinec avec Jean COUIC. De ce couple 2 descendants ont participé à la légende de Thérèse CABON.

Ce sont :

Jean COUIC petit-fils d’Isabelle CABON,Directeur de l’usine à soude au Stum à Audierne. Celui-ci a raconté (1),les exploits de sa grand-mère Isabelle et ceux de Thérèse CABON, dans les bulletins paroissial d’Audierne n°94 de février 1969 et 97 de Juin 1969(biblio n°3).Ces bulletins ont été réunis par Paul CORNEC dans un livre intitulé Audierne Autrefois(1)

Donc Isabelle avait sauvé la vie d’un capitaine de bateau ,qu’elle avait trouvé naufragé sur la plage à Kerdréal à Plouhinec. Elle avait suivi l’exemple de son frère Jean-Pierre et de sa sœur Thérèse.

Il raconte aussi :

« Mon père me disait qu’au cours de l’hiver ,il arrivait parfois que la provision de pommes de terre venait à manquer chez la grand’mère Isabelle…..Alors,ma grand’mère prenait un sac et s’en allait à grands pas chez sa sœur Thérèse.Celle-ci nageait comme un poisson Au cours d’un naufrage à la grève de Guendrez(Loc’h),elle avait arraché aux vagues plusieurs vies humaines.Et quelques années après, le gouvernement lui avait attribué un bureau de tabac,à Primelin;elle ne connaissait pas le dénuement.Et lorsque sa sœur Isabelle se présentait chez elle,elle lui fourrait des pommes de terre dans son sac et elles se disait aurevoir après avoir bu un petit coup de cognac,que l’une et l’autre ne détestaient pas »

Quelques remarques:

-La plage de guendrez  à Plouhinec(29) est actuellement un spot de surf et donc réservé aux bons nageurs

-la grande fraternité des CABON qui s’est transmise aux PERROT.

-L’amour d’ un petit coup de digeo;cela s’est perpétué dans la famille.Pour ma part je préfère un petit coup d’alcool de mirabelles de Lorraine produite amoureusement par mes soins, à partir de mes 3,000 m2 de vergers de Ludres(54).

Jeanne BLUTEAU :

Elle est née en 1916 à Audierne(photo) . Jeanne BLUTEAU,professeur de lettres et écrivaine est née Jeanne COUILLANDRE fille d’Henri COUILLANDRE ,guetteur sémaphorique et de Marie Françoise DAGORN( voir arbre généalogique)

Marie-Françoise DAGORN, est fille de Jean-Baptiste DAGORN et de Jeanne-Marie COUIC elle-même fille d’Isabelle CABON.

Donc Jeanne BLUTEAU ,est arrière-petite-fille d’Isabelle CABON ,sœur de Thérèse et par la même occasion ma cousine !!!

C’est elle qui a publié en 1954, dans le recueil de chansons de la Baie d’ Audierne, dans le chapitre histoire d’Isabelle(3) des poèmes à la mémoire d’Isabelle et l’un d’eux à la mémoire de Thérèse PREVEL(Prevel est le nom breton de Primelin) intitulé:La fille au cheveux de vagues.

A la mémoire de Thérèse Prével la sœur d’Isabelle

La fille aux cheveux de vagues
Jouait parmi le goémon
A ses doigts mettait des bagues
Une couronne à son front
La fille aux cheveux de vagues
rêvait parmi le goémon

Le suroît hurlait près d’elle
Que lui importaient ses cris !
C’était une ritournelle
Dont elle n’avait souci
La fille aux cheveux rebelles
Dans le vent chantait aussi

La fille aux cheveux de vagues
A vu venir sous le ciel
Un navire qui divague
Drossé par le vent cruel.
La fille aux cheveux de vagues
Ne chante plus sous le ciel

…A tiré sa cotte sombre
A marché dans les brisants
A hélé ceux qui dans l’ombre
Voyaient la Mort se posant
Vers la rive, sans encombre
Les guide en les apaisant…

La fille aux cheveux de vagues
A mérité, par ma foi
Sur ses doigts d’autres bagues
Et un bureau de tabac,
La fille aux cheveux de vagues
Qui chantait dans le suroît…

Ce beau poème a été traduit en breton par Per Jakez Helias avec seulement 4 strophes(voir photo)

Le poème en français a été mis en musique par Jeanne BLUTEAU et chanté par les Tregeriz dans un 45 tours intitulé « an alc’houez aour »(la clef d’or) référence du disque: Production Velia 2217 003

Autre référence écrite sur Thérèse CABON :

Il est question d’elle page 33 dans le livre de Lucien BOULAIN sur le Raz de Sein:diverses légendes sur la ville d’Is.(4)

Voici L’extrait du livre :

« Qui ne se souvient d’une femme au type énergique,Thérèse CABON?(voir photo)Elle a arraché à la mer bien des victimes, et cela à la nage. Elle obtint, sous l’Empire, la gérance du bureau de tabac de Primelin.

On lui faisait plaisir en contemplant ses médailles,qu’elle avait la gloire de montrer aux visiteurs. »

Référence sur le Naufrage

Grâce à la sagacité de Jeanne- Marie Louarn professeur d’histoire en retraite et épouse d’ un descendant de thérèse CABON, mon cousin Jean LOUARN, nous avons pu trouver récemment le bref récit du sauvetage réalisé par Thérèse CABON.

Ce récit est consigné dans les Annales maritimes et coloniales de l’année 1835 2ème série,Tome 2 page 401.

En voici le texte :

«  CABON (jean-pierre),Marie-Thérèse CABON, sa sœur, et Yves COSQUER, cultivateur.

Après le naufrage et l’échouement du navire la Jeannette-Françoise,le canot dans lequel s’étaitfugié l’équipage fut forcé par la tempête de faire côte à sept heures du matin,dans les brisants de la commune de plouhinec,et chavira:cette embarcation se trouvait encore au large,lorsque les nommés Jean-Pierre Cabon,âgé de vingt ans,Marie-Thérèse Cabon, sa sœur, et Yves Cosquer, cultivateur,se sont portés à leur secours en s’élançant vers eux à la nage, et exposant leur vie dans les brisants pour en retirer cet équipage, qui allait périr.

Ces braves gents ne bornèrent pas là leur généreux dévouement ; après avoir sauvé ces malheureux naufragés, ils leur prodiguèrent tous les soins que réclamait leur fâcheuse position.

Médaille d’argent et gratification aux trois sauveteurs,le 18 janvier 1834 »

Pour ce sauvetage Thérèse CABON reçut donc une médaille de courage et de dévouement ainsi que son frère Jean-Pierre et Yves COSQUERcultivateur;je n’ai pas réussi à l’identifier.

Apparemment, d’après Jean COUIC ,ce n’est que quelques années plus tard qu’elle se vit attribuer le bureau de tabac de Primelin.

En fait Henri PERROT, le mari de Thérèse CABON était recensé à Meilars en 1836.A l’époque il était marié avec Catherine MEIL qui est décédée le 14/11/1835.

Il s’est remarié à Plouhinec le 25/10/1838 avec Thérèse CABON. Le premier enfant du couple PERROT-CABON:Henri-Marie naît au bourg de Primelin le 3/11/1839.On peut donc penser que le couple PERROT-CABON s’est installé à Primelin après leur mariage.

On notera que sur le cadastre napoléonien de 1836 la maison du bureau de tabac n’existe pas.Elle aurait donc été construite après 1836.(voir photo).Elle est située juste derrière l’église de Primelin. Elle a subi de grosses modifications au niveau de la façade, et est en cours de rénovation actuellement. Les souches des cheminées témoignent du fait qu’elle était couverte de chaume(photo)

En 1841 Thérèse CABON est recensée comme débitante de tabac.Il semblerait qu’elle ait tenu le bureau de tabac jusqu’en 1890 ,car dans le recensement de 1891 c’est son fils Jean-Marie qui est déclaré débitant.En 1897 il était toujours débitant de tabac, puisque s’étant présenté comme adjoint au maire de Primelin, cela lui a été refusé conformément à la loi électorale.

Thérèse est décédée le 3/08/1893 à Primelin, à l’age respectable pour l’époque de 82 ans;Elle avait une sacrée santé !!!!et un petit cognac de temps en temps ça conserve !!!

Conclusion provisoire :

Il nous reste plusieurs choses à découvrir :

  • trouver un témoignage précis du naufrage de La Jeannette-Françoise;il faut peut-être rechercher aux archives de la Marine à Brest.
  • Retrouver la décision d’attribution du bureau de tabac à Primelin et sa date exacte .Les archives départementales de Quimper ne possèdent rien sur cette période(série 4)

– retrouver la maison des CABON à Kerdréal Plouhinec.

En conclusion de cette saga familiale, on peut donc affirmer que les CABON étaient très courageux et de sacrés bons nageurs.

Cette aptitude à nager s’est transmise à son petit-fils Mathieu mon grand-père dont je conterai plus tard dans ce blog les exploits et à son arrière-arrière-arrière petit-fils Mathieu ,moniteur de plongée et apnéiste(5’30 minutes en apnée).Pour ma part, avant ma tuberculose à l’age de 26ans

j’avais 6,5 litres de capacité respiratoire.

Affaire à suivre !!!Je compte beaucoup sur votre aide.

BIBLIOGRAPHIE

-1 Audierne Autrefois

Les billets de Jean Couic et de Daniel Guézengar .Editions du Cap-Sizun

-2 Bulletin paroissial d’Audierne n°94 de février 1969 et 97 de Juin 1969.Billet signé Jean de Lézourmel

-3 Jeanne Bluteau Chansons de la Baie d’Audierne.Seghers 1954

-4 Lucien Boulain Raz de Sein:diverses légendes sur la ville d’Is(françaises et bretonnes)Quimper 1893

-5 Annales maritimes et coloniales 1835 2ème série Tome 2

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